jeudi 5 janvier 2012

Cocorijaune


Revoilà la, ou plutôt une, moto française. On l'a vue au salon de Paris, Café Racer lui consacre un sujet dans son dernier numéro. Boxer Design qui s'était fait discret dans le monde moto depuis 2005, revient sur le devant de la scène avec la Superbob. Un 1000 V-Twin turbo compressé à qui selon son "papa" Thierry Henriette il ne manque rien ou presque pour être produit en série. Boxer par le passé a commis quelques belles machines, parmi lesquelles je retiens la VB 1 sur base de Voxan et la Blue Marlin et son V-Twin Aprilia.
La moto française, sans cesse entre espoir et désillusion. Au moment où cette machine sort de gestation, on apprend les difficultés, pour ne pas dire la disparition de Wakan. Encore qu'à mes yeux, j'ai toujours eu du mal à considérer cette moto comme Française. Mais passons.
Après Voxan, BFG (et MF) en se limitant aux routières de grosse cylindrée produites industriellement, quel sera le sort de ce nouveau projet ? Thierry Henriette estime (espère) proposer la Superbob de série pour 2013 à un tarif avoisinant les 20 000 €. Pas l'engin de mr Toulemonde. Mais peut-il en être autrement ? En France ?
Ce pays qui a compté quelques-uns parmi les plus prestigieux constructeurs de grosses cylindrées entre deux guerres, Koehler-Escoffier ou René Gillet pour ne citer que ces deux-là et une myriade de constructeurs plus ou moins artisanaux a vu son industrie de la moto péricliter dans les années 50. Et connaître donc quelques soubresauts depuis les année 80. Avec les fins que l'on connaît. La France ne connaissait pas, au moment de ce déclin, une situation différente de ses voisins européens. En Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Autriche, on a su maintenir ou faire renaître une industrie de la moto viable. Pas en France.
Alors pourquoi ? Les volontés n'ont pas manqué, et ne manquent toujours pas. Entre choix mécaniques et esthétiques curieux, (BFG-MF) doux euphémisme, gamme convaincante mais sans véritable soutien industriel et financier (Voxan) le bilan est triste. Il est symptomatique de constater qu’aucun groupe industriel ou investisseur national ne se soit jamais impliqué dans Voxan. Est-ce vraiment étonnant en même temps quand on assiste à une dramatique désindustrialisation du pays et que l'on connaît le rôle de fossoyeur qu'a joué Peugeot en son temps, pour bon nombre de marques de motos ? La moto n'est pas vraiment en odeur de sainteté dans l'hexagone.
J'ai entendu ici et là, lu également que le manque de "patriotisme" du motard français n'était pas étranger à la disparition de Voxan. Si les choses étaient aussi simples, on verrait force Guzzis sur les routes italiennes. Pour ne prendre que ce cas. Il s'agit probablement plutôt d'une question d'état d'esprit général et  de culture mécanique.
Sans compter que réglementairement, la loi des 100 cv n'aide pas vraiment. Produire sur le sol français un "gros" moteur implique d'être au diapason des modèles équivalents et implique un  bridage pour le diffuser au niveau national. Ridicule.
Les Anglais, en la personne de John Bloor ont su faire revivre Triumph en jouant à la fois sur les souvenirs d'un passé mécanique, le trois cylindres, et en proposant des modèles à forte identité. Ils ont su jouer sur le revival avec la "New Bonnie" et ils sont aujourd'hui capables de taquiner les Japonais sur leur propre terrain. Cela donne à réfléchir.
La France est souvent grande donneuse de leçon, mais en l'espèce, nous aurions pas mal à apprendre. Que ce soit en auto ou en moto, les Anglais ont une culture et une approche de la mécanique aux antipodes de la notre. Il suffit de regarder le nombre d'artisans, plus ou moins importants ayant pignon sur rue. Il suffit aussi de s’intéresser un peu à leur législation. Un pays qui homologue des motos "day only" qui peuvent se passer de système d'éclairage à condition de  circuler de jour uniquement, a sûrement pas mal à nous apprendre. Les British sont vraiment des gentlemen.
Pendant ce temps là, en France, on veut imposer aux propriétaires de motos le port d'un dispositif réfléchissant et des plaques d’immatriculation de plus grandes dimensions... On vit vraiment dans un autre monde.
Le regard des décideurs, quel que soit le domaine, sur la "mécanique " (hormis les deux grands groupes automobiles, et encore) me fait penser à cette boutade lue dans Sport Auto je pense dans les année 70 : En France, quand on voit un type descendre d'une Ferrari, on va penser que c'est un gros capitaliste plein de fric. En Italie, les gens vont aller lui demander de lever le capot pour voir le moteur. (De mémoire, mais c'est bien l'esprit.)
Bonne chance donc à Thierry Henriette et Boxer avec le Superbob. Soyons fou, un tel projet qui fonctionnerait, pourrait donner des idées à  un illuminé quelconque.


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