Une semaine après le SRC dans l’enceinte du circuit Paul Ricard, c'est dans le cadre beaucoup plus champêtre de la source du Grozeau à Malaucène que s'établissait le paddock de cette 7ème montée.
Le murmure de l'eau a laissé place aux grondements et hurlements des quatre temps, aux miaulements des deux temps ainsi qu'aux effluves de mélange d'un autre siècle.
Deux bonnes centaines d'inscrits pour s'élancer sur les 2600 m de montée, que ce soit le couteau entre les dents ou pour le simple plaisir de profiter (et faire profiter) d'une moto qui, quoi qu'il en soit, est forcément exceptionnelle.
De la moto d'exception, il n'en manquait pas, comme toujours. Au delà de la qualité du plateau, c'est la variété des genres et d'époque de celui-ci qui vaut le détour, s'étalant sur une période d'une soixantaine d'année.
Côté concurrents, est-ce la formule, le site, ou simplement un état d'esprit, la disponibilité et le partage sont de mise. Assez curieusement, c'est au moment de l'installation en "pré grille" que le dialogue se noue le plus facilement.
Comment ne pas remercier Yves Azam qui entretient et fait rouler une Saroléa 500 de 1932. Il fait partie de ces passionnés qui estiment que ce patrimoine mécanique doit être montré en situation et pas simplement cantonné au silence d'un musée.
Je repère une Bultaco 250 "Metralla". J'avais souvenir de cette moto dans les pages d'un vieux Moto Revue, feuilleté avec des copains du lycée. C'est la première fois que j'en vois une. Son pilote, Alain Cacchioli, un Helvète underground, en dresse un passionnant et humoristique historique en quelques minutes. C'est en réalité un 350. Un proto réalisé en deux exemplaires, un qui fut détruit et celui-ci qui atterrit dans sa famille. Son père, ami de Paco Bulto récupéra cette moto avec promesse d'en prendre soin. Malgré un long séjour dans une grange elle a retrouvé l'éclat de sa jeunesse et Alain s'en régale, et les spectateurs avec lui, sur ce genre d'évènements.
Les plus belles mécaniques, peuvent encore être magnifiées. Témoin le 1000 CBX d'André Bernard. Le Honda 6 est un moteur superbe. Croyez moi bien, que je dise du bien de Honda ne peut être que sincère. Dans l'idée de son concepteur qui en fait une machine minimaliste, cette mécanique mise en valeur par la simplicité et la finesse de la carrosserie est tout bonnement sublime. Cerise sur le gâteau, les six mégaphones noirs et le tambour ventilé avant, rappel des 500/6 de Grand Prix. Comme il l'avoue lui même, le tambour ce n'est pas forcément l'idéal pour stopper l'engin, mais l'esprit vaut bien cette concession.
Pour ce qui est de la rareté, difficile de faire mieux que la Griffiths Sunbeam Porsche, (ouf!) modèle unique que seul un cerveau britannique pouvait imaginer et concevoir. Loger un 1300 cc Porsche issu d'une 356 série A dans une partie cycle de Sunbeam S8, c'est le pari réussi de Gordon Griffth dans les années 70. Découvrir l'existence de cette bécane en ce lieu, quel meilleur symbole de la qualité de cette manifestation.
Merci à l'association MC2A et tous les bénévoles qui oeuvrent à la réussite de cette journée et à tous ceux qui donnent à voir, et entendre, l'objet de leur passion.
Le SRC fait partie de ces évènements qui permettent quelques heures durant de se faufiler dans une faille spatio-temporelle. Certains revivent là des moments forts de leur jeunesse. D'autres, appréhendent ce qu'était la moto de compétition des années 70/80, à travers notamment, de sons et d'odeurs disparus.
"Times they are a changing..." Ces paroles de Dylan me reviennent (encore) à l'esprit aux portes du circuit. Le nombre de voitures franchissant le péage est impressionnant. Un sacré contraste avec cette époque qui revit le temps d'un week-end. Cela se traduit par la mixité du public aujourd'hui. Les poussettes ne sont pas rares dans l'enceinte du circuit, sans compter des groupes où se côtoient trois générations. On est loin de la horde de cuirs noirs aux tignasses approximatives de jadis.
Je te rassure, ami lecteur, j'y ai aussi vu des motos. Le gros des exposants est passé cette année en extérieur de la piste. J'y ai constaté l'ancrage de plus en plus marqué de Moto Guzzi dans la tendance "Garage" avec la scénographie qui va bien. Aperçu Albin Carrière dans le stand Café Racer, qui le matin comme en fin de journée semblait un poil s'ennuyer. Amusé des commentaires de jeunots tous sliders au vent à propos du train avant de la Bimota Tesi.
C'est une fois dans le paddock et dans les boxes particulièrement, que le temps s'inverse. La palette des choix techniques s'étale sous les yeux des visiteurs qui peuvent librement circuler dans ce musée vivant. Deux temps, quatre temps, mono, multi-cylindres, châssis, tout cela contraste avec la quasi uniformité des plateaux contemporains. En matière de machines de Grand Prix, Yam' se taille la part du lion. Alors que l'an passé les Suzuki, Kawa et Honda diversifiaient le plateau.
Côté humain, après le feu d'artifice de 2015, grille réduite pour cette édition. Ago et Rigal, dont le poil blanc est l'unique point commun avec le poireau, en grande discussion, J.F. Baldé toujours souriant seront mes seules rencontres de cette édition... Ago qui retrouvait là sa machine des 200 miles de Daytona 1974! La jeune classe, représentée par Zarco et Baz, venus saluer leurs aînés, alla même jusqu'à rendre un bel hommage au Continental Circus, Johann prenant le guidon d'une Suzuki RG pour quelques tours de piste. Première manche de la saison en ICGP et carton plein pour Guy Bertin qui remporte les deux courses et la catégorie 350. Mention spéciale à Bernard Fau, deux fois cinquième en 3 1/2, entre séances de mécanique et de dédicace de son film "Il était une fois le Continental Circus".
Bel étalage du génie mécanique français, avec quelques spécimens dézépoques, particulièrement en matière de partie cycle. Sans parler, ou plutôt si, de l'extraordinaire 6 cylindres TL 306 du sorcier Guy Coulon, véritable Géo Trouvetou de la moto de vitesse, reconnaissable entre tous dans le garage.
Circuler dans le paddock de ce style de manifestation est toujours source d'étonnement. La passion déborde de toute part, quels que soient les moyens à disposition. Des rois de la bricole du side car, à la maniaquerie de certains détails sur des machines uniques pour d'autres, tout y passe.
De bien belles belles journées comme on aimerait en voir plus souvent!
Ainsi, Mr Barbe*, vivement pressé par Mr Cazeneuve veut protéger les motards. Parce qu'il les aime. A peu près aussi rassurant que la déclaration d'amour d'un prêtre du diocèse de Lyon à l'endroit des petits enfants.
Aucun doute, la moto est dans le collimateur de l'état. Ce n'est pas nouveau.
Ca commence avec l'épouvantail du contrôle technique, à la revente, nouveau hochet de notre "Sécurité Routière". Mesure dont on sait depuis belles lurettes qu'elle n'apporterait rien à notre sécurité.
Ca continue avec cette fameuse vidéo, dont ce pauvre Maxime ne sortira pas indemne. Merci de nous indiquer que la route recèle bien des pièges. Ca n'avait effleuré l'esprit d'aucun parmi nous. Objectivement, il aurait plus de risques de chuter en raison de la qualité des infrastructures qui se dégrade fortement depuis le désengagement de l'état au profit des régions et départements. En dehors du côté tire larmes de cette superproduction que ne désavouerait pas Luc Besson qu'en conclure? La majorité des motards seraient inconscients des risques liés à leur passion? J'ai vraiment le sentiment que nos instances s'adressent à une bande de jeunots qui déposent leur cerveau sur une étagère avant d'enfourcher leur machine. Pour mémoire, en France, l'âge moyen du conducteur de moto est de 41 ans et l'expérience moyenne au guidon est de 11 ans. (Données de 2009 - TNS SOFRES) Chiffres probablement à la hausse depuis. J'en connais même qui sont grands parents. Si, si. A se demander si les décideurs ont la moindre idée du public à qui ils s'adressent.
Un nouveau pas vient d'être fait avec cette fameuse circulaire "Cazeneuve" enjoignant aux forces de l'ordre de cibler les motards via des contrôles visant en particulier la conformité des véhicules. (Plaques, échappements...) Éléments à même de compromettre notre intégrité, c'est bien connu. Le tout bien sûr habilement médiatisé, histoire d'ancrer dans les esprits les manquements de certains dont on peu facilement faire une généralité.
Je constate aujourd'hui que nous sommes sous le feu de mesures favorables aux affaires des organismes de contrôle technique dont on connaît le lobbying acharné pour son application et de facto une dépense supplémentaire pour nous; que les messages en direction des motards portent essentiellement les marques du discrédit et de l'infantilisation, à comparer avec d'autres campagnes, (Belgique, USA...) où sont mis en avant les risques que les autres usagers, par inattention ou négligence nous font courir; que nous sommes un groupe spécifiquement ciblé par des contrôles aux motifs spécieux. On est dans le droit fil de la politique ultra sécuritaire liée à l'état d'urgence qui insidieusement s'insinue dans notre vie quotidienne.
L'état depuis une quinzaine d'année oeuvre à la "sécurité routière" avec comme cheval de bataille le bâton du contrôle de vitesse. S'il est indéniable que la vitesse, notamment en cas de choc frontal est un facteur aggravant, il en est un autre dont il est fort peu question dans l'argumentaire officiel, le comportement. Téléphone au volant, changement de direction non signalé, distance de sécurité... Alors on se dédouane avec quelques spots de temps à autres, histoire de se donner bonne conscience, mais quelle action sur le terrain?
Pour faire bonne mesure, l'annonce de la "privatisation" des radars embarqués ne fait qu'accentuer cette politique de comptable et ne peut être qu'un motif de défiance supplémentaire.
Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le "coup" médiatique remplace l'action politique réfléchie, concertée, inscrite dans la durée. Voilà des années que les gouvernants nous prennent pour de sales gamins. Promesses non tenues, mensonges, la parole qui vaut action, l'outrance sont le lot dans presque tous les domaines. Les enfants finissent par comprendre qu'on leur raconte n'importe quoi. L'ennui, c'est qu'ils ont alors tendance à réagir n'importe comment.
N’importe comment, cela passe par le bulletin de vote en se laissant séduire par le chant des chimères de certaines têtes blondes. Alors réagissons, mais en prenant les choses en mains. Soyons motards et citoyens, en étant en force dans les manifs des 16/17 avril sous l'égide de la FFMC, et en contribuant ou en soutenant les débats qui naissent aujourd'hui pour redonner son véritable sens à la démocratie.
*Délégué ministériel à la sécurité routière.