dimanche 5 février 2012

Obsolète, vous avez dit obsolète?

Le  Doc, analyste technique de haut vol, l'est aussi lorsqu'il s'agit de décortiquer les choses économiques. D'un récent argumentaire sur la stratégie du groupe Piaggio, j'ai extrait ce passage. 

Les paramètres d'obsolescence programmée, intégrés aujourd'hui à la gamme, contribuent également à cette captation.
Sur ce point nos chers constructeurs se mettent parfaitement d'accord, il suffit de lire les documents de l'ACEM pour y découvrir que ce gentil monde vise à ce qu'une brêle neuve soit remplacée au bout de 18 mois..., et que sa durée de vie n'excède pas 4 ans.
Ils s'arrangent donc pour que l'utilisateur soit amené à remplacer, à un rythme plus élevé qu'avant, des "produits" présentant des dysfonctionnements à échéance déterminée, pour lesquels le remplacement des éléments incriminés est rendu tellement coûteux, qu'en bonne logique, l'intéressé choisira le remplacement par un véhicule neuf, plutôt que la réparation. Rapproché aux difficultés qu'ont certaines marques à trouver preneur sur le marché de l'occase, c'est vers la reprise pour l'achat de neuf qu'est poussé le "captif".

L’obsolescence programmée est au menu de toutes les bonnes écoles de commerce, quels que soient les produits. Sans compter ceux qui le deviennent tout en étant en parfait état de marche par des incompatibilités logicielles par exemple et ceux dont on nous fait miroiter la ringardise par la grâce de la nouvelle fonction dont on ne pourra bien sûr pas se passer.
Piaggio/Guzzi, en la matière, a une belle longueur d'avance sur leurs concurrents. L'obsolescence programmée a été testée avec succès sur les moteurs 8 soupapes de la gamme actuelle. Programmation un peu rapide au goût des clients, quand même. Il est vrai, qu'à Mandello on n'a pas attendu l'arrivée du sieur Colannino pour tester ce concept. L'obsolescence programmée des ressorts de rappel de sélecteur des V 11 fut une opération bien menée. Las, ces satanés guzzistes à l'ancienne mode ont trouvé la parade, poussant le mauvais goût à se dépanner au bord de la route, hors du réseau. Y compris téléphonique.
Alors ? Le calcul des constructeurs sera-t-il payant ? La réponse m'importe peu en vérité. Un phénomène mérite d'être noté toutefois. L'âge moyen du « motard » en ce début de XXIème siècle frise la cinquantaine. Et ce vieillissement des pratiquants est constant depuis des années. S'il s'agit de pérenniser les ventes, il faut s'assurer un réservoir de clients à fidéliser. Pour cela, à part attirer les plus jeunes, je ne vois pas comment s'y prendre. Cela passe par à la fois des modèles attrayants , portant une part de rêve quelle qu'elle soit et financièrement abordables. Si les constructeurs « généralistes » sont à même de remplir au moins un de ces objectifs, certains, suivez mon regard, ont peut-être du souci à se faire.
A moins qu'on ne parle d'autre chose. J'ai en mémoire une conversation avec mon pote Christian, voilà 2-3 ans alors qu'il tenait encore concession. D'après lui, sur la base de ses infos professionnelles, à l'horizon d'une dizaine d'années, le parc serait constitué d'une écrasante majorité de Scooters, adaptés à des fonctions différentes et il subsisterait quelques Mohicans dont camarades lecteurs nous sommes les précurseurs. Ceux là, par compétences personnelles, par réseaux et l'intermédiaire d'ateliers spécialisé continueraient de rouler avec des « vraies » motos. Plus probablement, quelques marques de niches offrant du haut de gamme inaccessible au vulgum pecus. Et cette vision du futur du deux roues, à observer les tendances, j'y crois malheureusement de plus en plus. Il n'est qu'à observer ce qui se passe chez Honda, avec l'Integra et BMW qui vient sur le créneau des maxis-scotères. J'ajoute ces routières dont la façade permet difficilement de les différencier des scoots ; il y a matière à réfléchir. Car au final, ce qui importe pour les dirigeants de ces firmes et leurs actionnaires, c'est le chiffre d'affaire. Et qu’importe le flacon, pourvu qu'ils aient l'ivresse.
Autre point à considérer dans cette histoire, c'est sa mise en parallèle avec le feuilleton du contrôle technique. Ces deux idées semblent converger vers une sorte de monde moto parfait, aux yeux des constructeurs en tout cas. Un monde dans lequel ils capteraient donc la clientèle et qui éliminerait tout un tas d'engins plus ou moins improbables aux mains d'individus qui ne le sont pas moins. Avec l'avant pensée de les attirer dans leurs rets. Vous achetez nos machines, ou vous devenez piétons.
J'y vois quand même une pointe de crétinerie. Le ct, à supposer qu'il soit en place et calqué dans son timing sur l'automobile, imposerait une première visite pour un véhicule neuf (peut on encore parler de moto) au moment où celui serait bon pour la casse... Si on est sur la base d'un changement à un horizon de dix-huit mois, quel est l'intérêt, sauf financier, de ce contrôle ? Quand on sait le kilométrage moyen d'un deux roues, en général, la plupart peuvent se contenter de passer en révision tous les deux ans... A moins qu'au final, il vise à éradiquer de la route les Mohicans que nous serons par des contraintes de circulation draconiennes, au titre de véhicules de collection, par exemple, même si à l'heure actuelle cette réglementation est assez souple. Mais je reste désespérément optimiste. Au train où vont les choses, c'est plus le prix du carburant qui refrénera notre désir de rouler qu'une quelconque réglementation.
Voilà. Aujourd'hui il fait -5° C dans le garage. Du coup, la mécanique en cours le reste. Il fait meilleur près du radiateur à taper ces quelques lignes. Courage, nous n'avons jamais été aussi près du Printemps. Nous pourrons alors nous retrouver avec nos brêles plus ou moins hors d'âge, à tailler des bavettes et des courbes de conserve.