lundi 23 juillet 2012

Tour de... ?


Hasard saisonnier. C'est en rangeant mon coin photo, oui, des ces photos papiers du 20ème siècle qui ornaient des pages d'albums familiaux, que je suis tombé sur une série paternelle du Tour de France 1969... L'avènement de Merckx le cannibale, sur le Tour. Autour du peloton, bien visible, sur le cliché noir & blanc, quelques Béhêmes de gendarmerie et de presse. Point.
La route du Tour, je l'ai abandonnée depuis un bail. L'épreuve qui me faisait rêver gamin et qui suscitait tant d’enthousiasme simple chez ceux qui attendaient des heures le passage de la caravane et des coureurs, est devenu une foire télévisuelle avec toutes ses conséquences perdue au milieu d'un embouteillage de motos et de bagnoles.
La course est enfermée depuis des années dans des scénarios bien huilés, où les figurants entretiennent l'illusion du suspense, marionnettes guidées par les oreillettes. Epaulés en cela, à moins que ce ne soit l'inverse, par des commentateurs qui nous vendent un extraordinaire trop souvent absent. Et comme il faut bien meubler le vide, à l'aise 5 heures de retransmission quotidienne, on a droit bien sûr à la vie privée des coureurs : untel bon père de famille, le cancer de la maman, la cirrhose du papa, le décès tragique du frère aîné... (Je n'ai presque rien inventé.) Quant aux étapes décisives, elles permettent aux meilleurs seconds rôle de briller sous les projecteurs, pendant que les vedettes s'épient mutuellement, attendant le passage à vide des autres qui permettra de rafler la mise. La victoire est devenue une affaire d'épiciers et de comptables.
Côté (télé)spectateurs on est en pleine télé-réalité. Autrefois, les gens allaient voir le Tour et les coureurs. A présent, on va sur le Tour pour se montrer à la télé. Tous les moyens sont bons. Costumes et déguisements ridicules, comportements stupides, mises en scène champêtres grandioses dans le plus pur style « Ballade des gens qui sont nés quelque part. » On peut y inclure ceux qui ne voient pas la course passer, rivés à leur mobile : « Marcel, regarde bien ton écran, je te fais signe ! » Pour faire bonne mesure, l'espace est en certains lieux privatisé par une catégorie particulière de spectateur, le camping-cariste. Les images vues du ciel en montagne sont assez parlantes à ce sujet. Bref, les mimiles ont pris le pouvoir dans le vélo comme dans le foot !
Et puis l'environnement, au sens large. Bien que l'argument "vert" soit assez vendeur par les temps qui courent il n'estre n'entre pas vraiment dans les codes du Tour. En dehors du maillot par point. Ca commence avec la caravane au sens large. Celle des publicitaires on sait pourquoi elle est là. Par chance, tous les colifichets lancés aux bons sauvages du bord de route sont récupérés. Pas de souci, j'en ai même vu voilà quelques années en venir aux mains pour un stylo ou une casquette. En dehors de ça, une flopée de bagnoles, plus ou moins anonymes taillent la route avec une seule personne à bord. Mystère sur le rôle de ces véhicules et ou de leur conducteur. Le covoiturage reste à découvrir. Ou l'autobus. Arrivent les coureurs. A part masquer la course, j'aimerais connaître le rôle exact de toutes les motos qui les entourent, chaque année plus nombreuses. Certaines, je le vois, constituent d'excellents supports publicitaires. Les bagnoles (pourquoi ne pas tenter des hybrides?) des équipes et de la direction de course on peut difficilement s'en affranchir quant à celles des journalistes elles peuvent avantageusement servir à propulser les échappés dans le décor comme on l'a vu l'an denier dans l'étape de St Flour ! Pas loin de 2500 véhicules pour 198 coureurs, le ratio est intéressant.
Pas de consignes visiblement, qu'elle vienne de l'organisateur ou des équipes concernant le comportement des coureurs. Les bidons sont toujours allègrement balancés sur le bas côté une fois vides. Et je ne suis pas vraiment certain, doux euphémisme, que tous soient récupérés pas les spectateurs. Même pas ceux frustrés de n'avoir pas raflé leur échantillon de Cochonou. Quant aux emballages plastifiés d'aliments liquides qu'on « dégoupille » avec les dents, absorbés en quelques instants et jetés aussi vite, je n'en parle pas. Une fois, j'ai vu un coureur, un Suédois (un hasard?) sauf erreur, remettre l'emballage dans la poche d'où il l’avait tiré.
Et la course est passée. Laissant pas mal de stigmates, les plus visibles étant la foultitude d'inscriptions routières, à la gloire des uns, des autres et du néant. Et que dire des 20 tonnes de déchets ramassés sur les pentes du Mt Ventoux après le passage de la course en 2009.
Anti vélo et anti Tour de France ? J'aime profondément ce sport dont je connais bien la difficulté, même si on me trouve plutôt sur les sentiers que sur le bitume. Et il faudrait peu pour (re)faire du Tour une épreuve aimable. Une course «débridée», des journalistes qui rappellent que les lieux de la course sont un bien commun et qu'on peut les respecter (c'est aussi intéressant que le premier vélo du neveu du vainqueur du jour), ça ne coûte rien, une logistique plus légère, des coureurs qui se rappellent qu'il existe une charte environnementale de l'UCI, même si elle peut prêter à sourire. Je rêve, je rêve...