Hasard saisonnier. C'est en rangeant
mon coin photo, oui, des ces photos papiers du 20ème siècle qui
ornaient des pages d'albums familiaux, que je suis tombé sur une
série paternelle du Tour de France 1969... L'avènement de Merckx le
cannibale, sur le Tour. Autour du peloton, bien visible, sur le
cliché noir & blanc, quelques Béhêmes de gendarmerie et de
presse. Point.
La route du Tour, je l'ai abandonnée
depuis un bail. L'épreuve qui me faisait rêver gamin et qui
suscitait tant d’enthousiasme simple chez ceux qui attendaient des
heures le passage de la caravane et des coureurs, est devenu une
foire télévisuelle avec toutes ses conséquences perdue au milieu
d'un embouteillage de motos et de bagnoles.
La course est enfermée depuis des
années dans des scénarios bien huilés, où les figurants
entretiennent l'illusion du suspense, marionnettes guidées par les
oreillettes. Epaulés en cela, à moins que ce ne soit l'inverse, par
des commentateurs qui nous vendent un extraordinaire trop souvent absent. Et
comme il faut bien meubler le vide, à l'aise 5 heures de
retransmission quotidienne, on a droit bien sûr à la vie privée
des coureurs : untel bon père de famille, le cancer de la
maman, la cirrhose du papa, le décès tragique du frère aîné...
(Je n'ai presque rien inventé.) Quant aux étapes décisives, elles
permettent aux meilleurs seconds rôle de briller sous les
projecteurs, pendant que les vedettes s'épient mutuellement,
attendant le passage à vide des autres qui permettra de rafler la
mise. La victoire est devenue une affaire d'épiciers et de
comptables.
Côté (télé)spectateurs on est en
pleine télé-réalité. Autrefois, les gens allaient voir le Tour et
les coureurs. A présent, on va sur le Tour pour se montrer à la
télé. Tous les moyens sont bons. Costumes et déguisements
ridicules, comportements stupides, mises en scène champêtres
grandioses dans le plus pur style « Ballade des gens qui sont
nés quelque part. » On peut y inclure ceux qui ne voient pas
la course passer, rivés à leur mobile : « Marcel,
regarde bien ton écran, je te fais signe ! » Pour faire
bonne mesure, l'espace est en certains lieux privatisé par une
catégorie particulière de spectateur, le camping-cariste. Les
images vues du ciel en montagne sont assez parlantes à ce sujet.
Bref, les mimiles ont pris le pouvoir dans le vélo comme dans le
foot !
Et puis l'environnement, au sens large. Bien que l'argument "vert" soit assez vendeur par les temps qui courent il n'estre n'entre pas vraiment dans les
codes du Tour. En dehors du maillot par point. Ca commence avec la caravane au sens large. Celle des
publicitaires on sait pourquoi elle est là. Par chance, tous les
colifichets lancés aux bons sauvages du bord de route sont
récupérés. Pas de souci, j'en ai même vu voilà quelques années
en venir aux mains pour un stylo ou une casquette. En dehors de ça,
une flopée de bagnoles, plus ou moins anonymes taillent la route
avec une seule personne à bord. Mystère sur le rôle de ces
véhicules et ou de leur conducteur. Le covoiturage reste à
découvrir. Ou l'autobus. Arrivent les coureurs. A part masquer la
course, j'aimerais connaître le rôle exact de toutes les motos qui
les entourent, chaque année plus nombreuses. Certaines, je le vois,
constituent d'excellents supports publicitaires. Les bagnoles
(pourquoi ne pas tenter des hybrides?) des équipes et de la
direction de course on peut difficilement s'en affranchir quant à
celles des journalistes elles peuvent avantageusement servir à
propulser les échappés dans le décor comme on l'a vu l'an denier
dans l'étape de St Flour ! Pas loin de 2500 véhicules pour 198
coureurs, le ratio est intéressant.
Pas de consignes visiblement, qu'elle
vienne de l'organisateur ou des équipes concernant le comportement
des coureurs. Les bidons sont toujours allègrement balancés sur le
bas côté une fois vides. Et je ne suis pas vraiment certain, doux
euphémisme, que tous soient récupérés pas les spectateurs. Même
pas ceux frustrés de n'avoir pas raflé leur échantillon de
Cochonou. Quant aux emballages plastifiés d'aliments liquides qu'on
« dégoupille » avec les dents, absorbés en quelques
instants et jetés aussi vite, je n'en parle pas. Une fois, j'ai vu
un coureur, un Suédois (un hasard?) sauf erreur, remettre
l'emballage dans la poche d'où il l’avait tiré.
Et la course est passée. Laissant pas
mal de stigmates, les plus visibles étant la foultitude
d'inscriptions routières, à la gloire des uns, des autres et du
néant. Et que dire des 20 tonnes de déchets ramassés sur
les pentes du Mt Ventoux après le passage de la course en 2009.
Anti vélo et anti Tour de France ?
J'aime profondément ce sport dont je connais bien la difficulté,
même si on me trouve plutôt sur les sentiers que sur le bitume. Et
il faudrait peu pour (re)faire du Tour une épreuve aimable. Une
course «débridée», des journalistes qui rappellent que les lieux
de la course sont un bien commun et qu'on peut les respecter (c'est
aussi intéressant que le premier vélo du neveu du vainqueur du
jour), ça ne coûte rien, une logistique plus légère, des coureurs
qui se rappellent qu'il existe une charte environnementale de l'UCI,
même si elle peut prêter à sourire. Je rêve, je rêve...