C'est
à la vue de la 250 Villa de Grand Prix, merci encore Titus, que me
sont revenues à l'esprit ces machines et ces marques qui
constituaient le grouillant plateau du Continental Circus des années
60 et 70. Si le rôle majeur de la biodiversité dans la vie de la
planète est aujourd’hui admis, en matière de compétition sur
piste, on est loin du compte. Toutes catégories confondues, huit
usines se partagent en ce début de XXIème siècle les grilles de
départ. Un peu triste si on y ajoute un championnat Moto 2 qui roule
exclusivement avec le 600 cc Honda. Et je doute que l'avènement du
Moto 3 en 2012 change la donne. Au contraire. Que ce soit pour des
raisons réglementaires, budgétaires ou techniques, l'uniformisation
a de beaux jours devant elle. Trois catégories au lieu des cinq
historiques, six on on y ajoute les side-cars, cela explique pas mal
de choses. Vitrine de la toute puissante Dorna, le Moto GP frise le
ridicule avec péniblement 17 machines au départ des courses. Avec
un avantage quand même, c'est le côté "école des fans"
de ce championnat. En comptant sur la maladresse, ou la malchance de
deux copains de jeu, celui qui prend le départ est quasi certain
d'être dans les points.
Pourtant,
ces années 60/70 étaient annonciatrices, croyait-on, d'un futur
radieux, dans tous les domaines. Dans beaucoup, et particulièrement
ceux qui touchent au plus près de notre quotidien, on est surtout
dans les lendemains qui déchantent. Une période donc, qui pour le
monde de la moto et la compétition en particulier, était des plus
jubilatoire et prolifique. Grands ou petits constructeurs, artisans,
géotrouvetou, ils étaient à la fois nombreux à pouvoir s'exprimer
et à proposer des solutions mécaniques diverses et parfois
inattendues.
Qu'on
se souvienne de Suzuki, alignant un 50 cc twin deux temps à quatorze
rapports, quelle santé, et encore plus fou, un trois cylindres en
1968. Ou un 125 quatre cylindres en carré (déjà) deux temps qui
emmena Hugh Anderson au sacre en 1963.
On
connaît tous le six cylindres Honda 250, (quel miaulement!) mais
faire rouler un 50 cc twin quatre temps quatre soupapes (12 mm
échappement ; 13 mm admission!) pour contrer l'hégémonie du
deux temps dans la catégorie et être à deux doigts d'y parvenir
mérite le respect. Et les hommes de Soïchiro, sans les nouveaux
règlements de la FIM, imposés en 1969, avaient dans leurs cartons
le projet, selon la rumeur, d'un 50 trois cylindres et celui d'un 125
six cylindres !
Yamaha
de son côté utilisa également un 125 deux temps quatre cylindres
en carré au guidon de laquelle Bill Ivy conquit le titre mondial en
1965. Moins connue et peut être plus "exotique", la 350 de
1977. Le moteur, issu de la collaboration entre Yamaha Europe et le
sidecariste Rudi Kurth, était un trois cylindres sur la base d'un
250 auquel était "greffé" le troisième cylindre. Greffe
qui prit fort bien avec le titre acquis par Katayama cette année là.
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La 500 König et son flat four deux temps. |
Au
côté des usines japonaises et de leurs moyens, figuraient d'autres
marques, aujourd'hui disparues et quelques géniaux poètes de la
mécanique. Figuraient, bien vite dit. En bien des circonstances,
David tint la dragée haute à Goliath. Si on garde de MZ le souvenir
des 125 et 250 monos de route, c'est oublier les 125, 250 et 350 de
GP qui franchirent par treize fois l'arrivée d'un GP en tête. Jawa
un peu plus à l'est ne fut pas en reste avec sa 350 qui rafla quatre
victoires se payant le luxe de confier ses machines à Findlay, Ivy
(qui le paya de sa vie) ou Read. Impossible d'évoquer cet âge d'or,
sans parler de la Linto, un 500 quatre temps du au légendaire Lino
Tonti, ce nom dit quelque chose aux Guzzistes, obtenu par
l'accouplement de deux 250 Aermacchi. Réputée fragile, elle permit
néanmoins à Alberto Pagani de s'imposer en 69 au GP des Nations.
Sans oublier Morbidelli (puis MBA), qui entre 75 et 80 rafla 5 titres
en 125, par la grâce de Giancarlo Morbidelli. Leader de la
machine-outil ; il le deviendra en moto par pure passion. La
plus emblématique de ces motos "venues de nulle part",
reste à mon sens la 500 König. Pensée par Kim Newcombe, ingénieur
et pilote, la moto mue par un quatre cylindres deux temps marine
accolé à une boîte de Norton (Manx dans un premier temps!) était
en passe en 1973 après trois années de mise au point, de mener son
pilote au titre suprême devant Agostini et sa MV ! Le sort en
décida autrement. Alors qu'il ne lui manquait qu'un point pour
rafler la mise, Newcombe trouva la mort à Silverstone. Ce même
moteur permit à Rolf
Steinhauser et Josef Huber d'être champions du monde side-car en
75/76.
Je
pourrais en citer d'autres qui sans connaître de grand succès, ont
néanmoins contribué à cette diversité. En tout, quarante et une
marques ont peuplé les plateaux de ce qui était encore le
Continental Circus durant ces deux décennies. Une époque où tout
était pensé au jus de cervelle. Une époque de solutions techniques
(source bien des fois de problèmes) originales apportées bien
souvent par des personnages qui l'étaient tout autant. Une
compétition et un monde à taille humaine.
La
prise de contrôle des championnats de vitesse par un promoteur, la
Dorna, épaulé par l'Irta qui structure les équipes a balayé la
part de rêve. Ceux qui s'y sont encore risqué, surtout en catégorie
reine, ont jeté l'éponge, probablement las d'être condamnés à
faire nombre. Et la tendance ne va sûrement pas s'inverser.
Le
libéralisme, et même l'ultra libéralisme dont les chantres nous
vantent les bienfaits, esprit d'entreprise et d'initiative, émulation
par la concurrence produisent partout les mêmes effets.
Uniformisation des produits et des cultures, mécanique en
l’occurrence, rétrécissement de l'offre. Mécaniquement, les gros
poussent les petits hors du "jeu", par élimination ou
absorption.
Je
ne sais si c'était mieux avant, mais comme le fromage, c'est la
diversité qui fait le charme.
Merci au site Racing Memo qui m'a permis de documenter ce billet.