samedi 5 novembre 2011

Bielle Diversité


C'est à la vue de la 250 Villa de Grand Prix, merci encore Titus, que me sont revenues à l'esprit ces machines et ces marques qui constituaient le grouillant plateau du Continental Circus des années 60 et 70. Si le rôle majeur de la biodiversité dans la vie de la planète est aujourd’hui admis, en matière de compétition sur piste, on est loin du compte. Toutes catégories confondues, huit usines se partagent en ce début de XXIème siècle les grilles de départ. Un peu triste si on y ajoute un championnat Moto 2 qui roule exclusivement avec le 600 cc Honda. Et je doute que l'avènement du Moto 3 en 2012 change la donne. Au contraire. Que ce soit pour des raisons réglementaires, budgétaires ou techniques, l'uniformisation a de beaux jours devant elle. Trois catégories au lieu des cinq historiques, six on on y ajoute les side-cars, cela explique pas mal de choses. Vitrine de la toute puissante Dorna, le Moto GP frise le ridicule avec péniblement 17 machines au départ des courses. Avec un avantage quand même, c'est le côté "école des fans" de ce championnat. En comptant sur la maladresse, ou la malchance de deux copains de jeu, celui qui prend le départ est quasi certain d'être dans les points.
Pourtant, ces années 60/70 étaient annonciatrices, croyait-on, d'un futur radieux, dans tous les domaines. Dans beaucoup, et particulièrement ceux qui touchent au plus près de notre quotidien, on est surtout dans les lendemains qui déchantent. Une période donc, qui pour le monde de la moto et la compétition en particulier, était des plus jubilatoire et prolifique. Grands ou petits constructeurs, artisans, géotrouvetou, ils étaient à la fois nombreux à pouvoir s'exprimer et à proposer des solutions mécaniques diverses et parfois inattendues.
Qu'on se souvienne de Suzuki, alignant un 50 cc twin deux temps à quatorze rapports, quelle santé, et encore plus fou, un trois cylindres en 1968. Ou un 125 quatre cylindres en carré (déjà) deux temps qui emmena Hugh Anderson au sacre en 1963.
On connaît tous le six cylindres Honda 250, (quel miaulement!) mais faire rouler un 50 cc twin quatre temps quatre soupapes (12 mm échappement ; 13 mm admission!) pour contrer l'hégémonie du deux temps dans la catégorie et être à deux doigts d'y parvenir mérite le respect. Et les hommes de Soïchiro, sans les nouveaux règlements de la FIM, imposés en 1969, avaient dans leurs cartons le projet, selon la rumeur, d'un 50 trois cylindres et celui d'un 125 six cylindres !
Yamaha de son côté utilisa également un 125 deux temps quatre cylindres en carré au guidon de laquelle Bill Ivy conquit le titre mondial en 1965. Moins connue et peut être plus "exotique", la 350 de 1977. Le moteur, issu de la collaboration entre Yamaha Europe et le sidecariste Rudi Kurth, était un trois cylindres sur la base d'un 250 auquel était "greffé" le troisième cylindre. Greffe qui prit fort bien avec le titre acquis par Katayama cette année là.

La 500 König et son flat four deux temps.
Au côté des usines japonaises et de leurs moyens, figuraient d'autres marques, aujourd'hui disparues et quelques géniaux poètes de la mécanique. Figuraient, bien vite dit. En bien des circonstances, David tint la dragée haute à Goliath. Si on garde de MZ le souvenir des 125 et 250 monos de route, c'est oublier les 125, 250 et 350 de GP qui franchirent par treize fois l'arrivée d'un GP en tête. Jawa un peu plus à l'est ne fut pas en reste avec sa 350 qui rafla quatre victoires se payant le luxe de confier ses machines à Findlay, Ivy (qui le paya de sa vie) ou Read. Impossible d'évoquer cet âge d'or, sans parler de la Linto, un 500 quatre temps du au légendaire Lino Tonti, ce nom dit quelque chose aux Guzzistes, obtenu par l'accouplement de deux 250 Aermacchi. Réputée fragile, elle permit néanmoins à Alberto Pagani de s'imposer en 69 au GP des Nations. Sans oublier Morbidelli (puis MBA), qui entre 75 et 80 rafla 5 titres en 125, par la grâce de Giancarlo Morbidelli. Leader de la machine-outil ; il le deviendra en moto par pure passion. La plus emblématique de ces motos "venues de nulle part", reste à mon sens la 500 König. Pensée par Kim Newcombe, ingénieur et pilote, la moto mue par un quatre cylindres deux temps marine accolé à une boîte de Norton (Manx dans un premier temps!) était en passe en 1973 après trois années de mise au point, de mener son pilote au titre suprême devant Agostini et sa MV ! Le sort en décida autrement. Alors qu'il ne lui manquait qu'un point pour rafler la mise, Newcombe trouva la mort à Silverstone. Ce même moteur permit à Rolf Steinhauser et Josef Huber d'être champions du monde side-car en 75/76.
Je pourrais en citer d'autres qui sans connaître de grand succès, ont néanmoins contribué à cette diversité. En tout, quarante et une marques ont peuplé les plateaux de ce qui était encore le Continental Circus durant ces deux décennies. Une époque où tout était pensé au jus de cervelle. Une époque de solutions techniques (source bien des fois de problèmes) originales apportées bien souvent par des personnages qui l'étaient tout autant. Une compétition et un monde à taille humaine.
La prise de contrôle des championnats de vitesse par un promoteur, la Dorna, épaulé par l'Irta qui structure les équipes a balayé la part de rêve. Ceux qui s'y sont encore risqué, surtout en catégorie reine, ont jeté l'éponge, probablement las d'être condamnés à faire nombre. Et la tendance ne va sûrement pas s'inverser.
Le libéralisme, et même l'ultra libéralisme dont les chantres nous vantent les bienfaits, esprit d'entreprise et d'initiative, émulation par la concurrence produisent partout les mêmes effets. Uniformisation des produits et des cultures, mécanique en l’occurrence, rétrécissement de l'offre. Mécaniquement, les gros poussent les petits hors du "jeu", par élimination ou absorption.
Je ne sais si c'était mieux avant, mais comme le fromage, c'est la diversité qui fait le charme. 

Merci au site Racing Memo qui m'a permis de documenter ce billet. 

5 commentaires:

  1. Très marxiste ton développement !!

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  2. euh... si je comprend bien : le capitalisme a fini de dévoyer le marxisme en imposant l'uniformité (uniforme-mité ?) pour le plus grand nombre ?

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  3. Les chinois sont en train de nous prouver que Mao et le Grand Capital cohabitent trés bien...
    GCGP.

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  4. Eh oui , les belles années ou il était encore permis de rêver pour pas trop cher !!

    Aujourd'hui ,même le rêve est mondialisé ...

    Fait chier !!

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