mardi 14 décembre 2010

L'argent de la vieille.

Le grand âge et la dépendance qui peut en résulter (pré)occupent bon nombre d'entre nous. (Même notre agité élyséen) Pas de méprise, je ne vous entretiendrai pas du Moto Guzzi Club de France ou de nos amis les  « Amis Guzzistes ». Ils pourraient par contre être intéressés, voire concernés car c'est de Moto Guzzi, la belle marque italienne dont il sera question.
Au moment où on songe déjà au pèlerinage vers Mandello pour marquer son 90ème anniversaire en 2011, l'inquiétude (le mot est-il assez fort?) est plus forte que jamais quant à la survie de l'usine. Harley Davidson devenue centenaire en 2003, on se prenait à rêver de 2021 pour l'Aigle de Mandello.
Qu'en sera-t-il? Voilà belles lurettes que MG va (plus ou moins) mal. Chaque crise a vu surgir de nouveaux sauveurs, quand ce n'est pas l'inverse et ce depuis près de 40 ans. Le cas est-il à ce point désespéré ou ceux-ci sont ils à ce point cyniques, incompétents ou maladroits? (par ordre alphabétique) Et les propriétaires de machines, quel rôle jouent-ils dans cette affaire?
A la trentaine, la dame de Mandello veillait à la destinée de nombreux enfants, capable la semaine de contenter le commun des mortels et d'enfiler la tenue de sport le week-end pour briller au plus haut niveau des championnats du monde de vitesse. Époque dont il ne subsiste que des clichés noir & blanc qu'on contemple avec une émotion teintée de nostalgie.
Vers la cinquantaine, elle nous offrit deux rejetons qui ont fait le plus pour son renom: la V7 Sport, la California et leur nombreuse descendance. Dans des genres opposés ils permettaient aux gros (les grands aussi) rouleurs d'enfiler les kilomètres sans rouler en BMW et aux plus sportifs de tenir la dragée haute aux multi-cylindres japonais en pleine ascension. Les quatre jeunes japonais venaient de donner un coup de fouet au marché de la moto, bousculant au passage les vieilles anglaises qui ne s'en remettront pas alors qu'en italie on résistait. Ses fidèles serviteurs avaient alors pour nom Tonti et Carcano qui hélas, n'ont pas eu de successeurs digne de leur nom.
Malgré cela, la vieille dame fut contrainte de céder aux avances de prétendants, sensés lui redonner du souffle, plus ou moins habiles qui se succèdent sans discontinuer depuis. Courtisée, prise, abandonnée aux appétits du suivant. Qu'ils se nomment De Tomaso, Beggio et pour le dernier en date, Colannino, rien n'y fit. Errements techniques des uns, erreurs financières des autres, la vieillissante italienne ne sait plus vraiment où elle va. Tout ne fut pas noir dans ces dernières décennies. Elle trouva dans le Dr John un praticien qui lui redonna de son lustre apportant du sang nouveau sur les rives du lac de Côme. Ivano Beggio qui honora de sa présence les GMG portait un véritable intérêt à sa conquête. Mais il ne fut pas à la hauteur de l'enjeu. Il y eut à l'aube du XXIème siècle l'arrivée du dernier enfant légitime, V11 qui lorgnait résolument vers son grand aîné, V7 et remit la Passion à l'ordre du jour. Mais on persista souvent dans le trop peu, trop tard, ou le contraire. Que dire alors de la situation du moment. Ce Colannino, dont on sait qu'il a autant à voir avec la moto et Moto Guzzi en particulier, qu'Estrosi avec le cerveau, ne lasse d'inquiéter. N'en voudrait-il pas qu'aux joyaux de la dame et particulièrement à ses biens immobiliers? Ne serait-ce pas un nouveau Von Bülow, tenant dans sa main la seringue fatale? On en est là en cette fin 2010. Et encore un fois, les employés de l'usine de Mandello se retrouvent au chômage pour six semaines... Ou plus?
Et puis il y a les... Difficiles de les nommer. Clients, même pour une vieille dame respectable ça vous a un côté amours tarifées de mauvais aloi. Passionnés? Fans? Amateurs? Tifosi? La chose n'est pas simple. La Moto Guzzi est de celles qui ne laissent pas indifférent. Entre le "Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse rouler sur ça." et celui (ou celle) qui la porte sur sa peau, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de Job. (long) Les premiers passent leur chemin, les seconds vouent un culte sans bornes aux productions mandelliennes. (Encore qu'à l'instar des Trotskystes, ceux-ci se divisent en chapelles difficilement appréhendées par les non-initiés) Le Guzziste de tradition ne jure que par sa (ses) machine(s) souvent en sa possession depuis des époques immémoriales et qu'il parvient même à transmettre à sa descendance. Il prodigue généralement lui-même les soins nécessaires à la bonne santé de sa "famille" et ne les confie dans les cas extrêmes qu'à quelques experts de leur connaissance. Culte à ce point chevillé à l'âme que toutes les incartades, même les plus sévères, ne les détournent pas de l'objet de leur désir. A l'instar du Raimu de "La femme du boulanger." même dans le pétrin, (qui ne pétrit plus) le vrai Guzziste aura toujours les yeux de l'amour pour la belle volage. Car on ne devient (reste) pas Guzziste par hasard. Au hasard, si je roule en twin transversal, c'est en rapport avec mes premiers émois motocyclistes, sur une 850 GT en 1973 et la disparition de mon pote Patrick au guidon de sa T3 Calif en 1977. Quelque chose qui vient de loin. Et chacun aura une vraie histoire à conter pour explique ce choix qui n'a rien à voir avec une fiche technique ou un comparatif.
Alors me dira-t-on, avec de tels admirateurs, n'est-il point paradoxal de voir la Veuve Guzzi avec une mine si piteuse? (Je sais, c'est étrange pour une dame.) Non. Ceci explique cela. La plupart de ceux-là, n'ont poussé la porte d'une échoppe à l'enseigne de l'Aigle que peu de fois. Voire jamais. Leur cheptel et souvent constitué d'un modèle acquis neuf et les autres arrivent chez eux suite à de fracassants divorces, d'incompréhensions mutuelles de grandes frustrations et autres turpitudes humaines qui n'atteignent pas le vrai guzziste. Le phénomène est d'autant plus fort, que la dernière génération, les enfants de Colannino, ne trouve pas vraiment grâce aux yeux de ceux que certains califiraient qualifieraient d'intégristes.
Et les autres? Ceux qui se glissent malgré tout tout entre les feuilles de Job en ces temps troublés? Ils sont forcément issus d'autre chose: Japonaises en tout genre, flat teuton, acier américain. Mais viser une clientèle forcément habituée à des standards de fiabilité et de service à des années lumières de ce qu'offre aujourd'hui Guzzi, clientèle dont l'âge moyen ne cesse de croître et qui veut avant tout se faire plaisir le week-end sur la route et pas à l'atelier il faut s'en donner les moyens. Ceux qui viennent et ont de la chance restent. Ceux qui considèrent qu'une Guzzi entre deux pannes, ça marche du feu de dieu restent aussi mais prennent vite le travers des "traditionalistes" et se mettent souvent en quête d'une compagne de caractère pour l'avoir "à côté". Quant aux "malchanceux", hélas, on ne les y reprendra pas de sitôt.
En matière d'avenir de Guzzi comme en matière de foot, les avis ne manquent pas. Donc, vous n'échapperez pas au mien.
Guzzi a une image (positive) de caractère, d'originalité de sportivité même. Si on trouvait dans les vitrines de vrais concessionnaires, pas de Piaggio Center dont les zélés serviteurs ne font pas la différence entre Rosso Mandello et Rosso Corsa (on me dit qu'ils ne savent pas ce que c'est) connaisseurs de la marque et du produit, il y en si, si, des motos défendant ces valeurs, ne cherchant pas à marcher sur les plates-bandes germaniques, il y a fort à parier que les anciens y prêteraient attention et d'autres également. A condition d'y ajouter une fiabilité digne de ce nom et un sav exemplaire. Nous verra-t-on devant la porte rouge d'une usine encore en activité pour fêter les 90 ans de la veuve de Carlo? Je le souhaite ardemment et même allez j'ose, pour le centenaire. Rendez-vous dans dix ans j'espère!
Bonsoir chez vous.

8 commentaires:

  1. Va pour "trotskystes"... j'ai eu peur que tu nous qualifies de "psychorigides" :0)

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  2. On s'est bien fait traités de "stakanovistes" sur TZ !! ;o)

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  3. Tant que c'est pas de sarkosystes
    Giani Pagoliane

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  4. Mais alors rouler en Guzzi, c'est faire quasiment acte de communisme.
    C'est donc pour ça qu'il y en a autant de rouges...

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  5. Je ne sais pas si rouler en Guzzi est un acte de communisme mais certain Guzziste ont développé une solidarité à faire pâlir les communistes... ;-)

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  6. D'humeur morose le Skippy, mais malheureusement nous la partageons tous.
    Croisons les doigts pour une reprise de production à Mandello et qui sait...
    Colt

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  7. Respect pour la prose pleine de vérités vraies !

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  8. Une dénommée Martine a dit : "objets inanimés, avez vous donc une âme..."
    Une Guzz cesse -t-elle d'être un objet dès lors qu'elle s'anime ? A-t-elle une âme même lorsqu'elle repose remisée au fond du garage ?
    Est-elle seulement l'objet du désir (avec ou sans obscurité)?
    Ben voui... sans doute tout cela à moins que ça soit le contraire

    Baufer

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