Ne pas abandonner le monde de la moto par ce biais semblait louable, mais pour la plupart d'entre nous cela signifiait surtout un changement de vie radical. L'entrée dans le monde des adultes. Un parent = un adulte. On se rend compte plus tard, surtout en continuant à vivre ses passions, qu'il est assez facile de rester un ado très, très, très longtemps.
Quant à l'idée de se mettre aux commandes d'un tel engin, compte tenu de la réputation plus que douteuse de son comportement, elle n'effleurait aucun d'entre nous.
Le divertissement créé pas la présence de l'engin parmi nous était suffisant, comme ce dimanche où, pour la plus grande joie des gamins de deux couples de potes sidecaristes, nous avions reconstitué l'attaque de la diligence. Joie des enfants et petite anxiété des caisseux qui avaient croisé la route zigzagante de cette horde métallique hurlante.
Notre regard sur le side changea le jour où Robert, qui ne jurait que par les bracelets, commandes reculées et carénages entreprit de transformer sa bécane afin d'y adjoindre un panier. Aucune explication rationnelle ne guidait ce choix. Il était régulièrement en couple... avec de nouvelles copines. Aucun ban de mariage ni faire part de naissance n’avaient été publiés. Il avait bien évoqué l'idée de voyages au long cours. Sans plus. Nous étions d'autant plus dubitatifs que ce garçon s'était bâti une sérieuse réputation d'arsouilleur. "L'angle, tu as pensé à l'angle?" Bref, nous en étions à évoquer avec un petit sourire, une exposition très prolongée au soleil du midi.
Et puis... Ce premier voyage eut lieu. "Les gars, je pars trois semaines en Allemagne. je vais me faire l'Oktoberfest. Munich, la Bavière la fête de la bière quelle perspective. Il nous file rencard au Majes' pour son départ. Ce jour là, nos certitudes vacillèrent, le doute nous envahit. Le Robert partait. Avec DEUX copines. La notion d'angle sembla soudain bien superflue à certains.
Je finis par atteler. Pas de fête de la bière ni de foire au jambon et à la ferraille. J'allais devenir papa. Au grand dam de nos parents respectifs, nous ne courûmes pas chez Bébé Confort et "J'élève mon enfant" de Laurence Pernoud ne devint pas notre livre de chevet. Il fallait surtout trouver un side. Ce fut facile. Armand, un vieux de la vieille local, se séparait de son GEP. Affaire rapidement conclue. Il se fendit même de confectionner les attaches pour mon 750 XS Yam. Il se mit aux commandes. Je m'installai dans le panier et en route pour une démonstration. Je ressortis un peu vert de l'expérience. Etre assis au ras du sol dans une coque en poly lancée à fond de cale, à la merci du gars qui est sur la moto, même si on a confiance en ses capacités, ça laisse une sacrée impression.
Ensuite, sur un parking j'eus droit aux rudiments de base permettant de gérer la bête, suivi d'un premier tour sur route. Avec ce dernier conseil. "Tu y vas tranquille, tu restes concentré, ça va venir doucement. Et n'oublie pas, dès que tu va prendre confiance, tu vas faire une connerie."
C'est dans cette période que je vais découvrir une analogie entre la conduite d'un side car et l'utilisation d'un spinnaker sur un voilier. Dans le manuel de navigation des Glénans, LA bible de la navigation à voile, le spi est présenté comme "...une fiancée volage qui n'a de cesse de vouloir mettre son prétendant à l'épreuve." Le side, c'est tout pareil. Entre la moto qui tente de tourner autour du panier à l'accélération et le panier qui lui rend la pareille au freinage, il y de quoi tourner en bourrique!
Et donc, la prophétie d'Armand se vérifia. (Je passe sur les petites conneries.) Fort d'une expérience jugée suffisante, par moi, nous voilà partis pour une vraie première virée avec le potes du Moto Club du côté du Ventoux. "Qui peut le plus, peut le moins." L'itinéraire, composée de riantes départementales aussi sinueuses qu'étroites et au profil qui rendrait un trader schizophrène devait nous amener à (re)découvrir les coins les plus sympas autour du Géant de Provence. Soucieux de hiérarchie (et plus probablement de ne pas me semer) ils me laissent mener la balade. Alors que je la jouais décontract', une voiture que je suivais d'un peu (trop) prêt, obliqua brusquement sur la droite tout en décélérant. Je me mis debout sur les freins. Side à l'ancienne, panier pas freiné, mon manque de nuance engagea l'attelage dans un tête à queue magistral. Je me retrouve immobilisé face à la horde médusée, la roue du panier au ras du fossé. En revanche, la future maman dans la caisse, bien qu'un peu émotionnée, (doux euphémisme) trouve encore la force de m'expliquer le grand con que je suis. Ce qui ne fait qu'aggraver le fou rire général. Moins deux qui ne rient pas.
Des anecdotes rocambolesques, j'en ai d'autres. Une notamment difficile à mettre en mots sans passer pour un dangereux affabulateur. Tous ceux qui roulent, ou ont roulé avec un side connaissent. Puis on finit par tenir le mode d'emploi à l'endroit et on découvre un domaine étranger aux pilotes solos: la maîtrise de la glisse, jouer avec
Puis ce fut le grain de sable. A l'époque le bug n'existait pas. Nous sortîmes de la maternité avec... deux gamins. N'étant pas Jim Phelps loger des jumeaux dans un GEP, avec tout le matos nécessaire c'était Mission Impossible... Je finis par revendre le panier et retournais sur deux roues.
Le ver est resté dans le fruit une bonne trentaine d'années avant de se manifester à nouveau. Juste pour le plaisir, sous la forme d'un Ural "Ranger"
Ce side, c'est l'aventure à portée de main. Un investissement plutôt léger et surtout une extraordinaire capacité à titiller "l’aventurier" qui sommeille en nous. C'est engin qui comme tous ses homologues est à même de fournir de belles sensations, (à 80 km/h) et invite en plus à sortir des sentiers battus. Ainsi, dès que l'occasion se présente, on n'hésite pas à quitter le goudron et se lancer dans les chemins les plus improbables. Avec la roue du panier motrice, il se sort des situations les plus compliquées. J'en étais venu à ne l'utiliser que dans cette optique. Un Ranger, une carte IGN au 25/000 et la vie est belle! Le side, une véritable addiction!
Pour ceux qui resteraient hermétiques à cette pratique qu'ils considèrent comme déviante, il reste une option.
Prendre un shaker. Y verser 2cl de triple sec, (Cointreau, Grand Marnier) 5cl de Cognac, 2cl de jus de citron. Frappez les ingrédients avec 5/6 glaçons et servir dans un verre à coctail en retenant les glaçons. Ami lecteur, tu viens de réaliser un Side Car, un cocktail emblématique du Ritz. Toutefois, méfiance. A l'instar de son homonyme à roues, ne pas se laisser aller à des excès d’enthousiasme le verre en main. Avec les mélanges, la sortie de route n'est jamais très loin.
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