vendredi 19 juin 2015

Solitude(s)

La solitude, ça n'existe pas... Un chanteur du XXème siècle, un peu mort depuis, le prétendait. Ce qui prouve qu'il n'avait de son vivant jamais roulé en moto. La solitude en question, est de celle qu'on aimerait précisément plus solitaire. Malheureusement, elle survient généralement en présence d'un bon contingent de congénères. Pour notre malheur, elle est proportionnelle au nombre de témoins. Je dis notre, car comme le dirait si bien Emmanuel Barbe: Tous concernés. 
En effet. Souviens toi, ce dimanche en fin de matinée. Tu quittes, ou du moins le crois tu, cette bourse que tu as arpentée toute la matinée. Ta compagne bien installée, tu démarres en douceur. Enfin, presque car le V-Twin qui te donne tant de satisfactions se couche sans crier gare sous l'oeil goguenard de la foultitude de témoins présent. Ah, la solitude! Ah, la honte qui s'empare de tou ton être. Physiquement indemne, ta moitié itou, la meurtrissure pénètre au plus profond de ton âme. Tout à l'évocation passionnée de quelques-uns de ces objets merveilleux vus depuis le matin, tu as laissé le U bien sagement en place dans la roue arrière... 
Souviens toi aussi de cet après midi. Après les quelques kilomètres de cette balade, on stoppe, dans une discipline quasi martiale, devant les hangars de cet aéro-club où une bière bien fraîche nous attend. Tu te places bien sagement auprès de ce voisin d'un jour, sors ta latérale avec décontraction, laisse aller ton fringant Café Racer qui s'abat brutalement, t'emportant avec lui. Te voilà, telle la tortue sur le dos, impuissant, coincé. Tu ne dois ton salut qu'à la solidarité, teintée de vannes et chambrages bien sentis, de cinq paires de bras qui vont te tirer de ce mauvais pas. Le budget Forster's connut ce jour là une inflation proportionnelle à la déconfiture de ton âme.
Tu n'as pas oublié ce coup du sort. Après cette halte si sympa en bord de mer, tu t'apprêtes à quitter le parking des motos. Coup du sort, un pied qui glisse, la moto qui s'incline dangereusement à droite... Par chance (?) tu ne chutes pas, car te voilà coincé entre la Guzzi et le tronc de ce mûrier platane à l'ombre duquel elle se reposait. Désemparé, tu sens soudain la bécane qui se relève. A nouveau la moqueuse solidarité à produit son effet. Te voilà libre. Tu ne peux que piteusement remercier tes sauveurs et te maudire une fois encore...
A ce stade, ceux qui prétendraient n'avoir jamais été confrontés à cette honteuse solitude sont soit de fieffés menteurs, soit ils roulent en MP3 ou en Quadro, auquel cas je leur offre aussi sec un assortiment Bordeaux-Chesnel.
Mais tu le sais bien ami lecteur, le pire est toujours à venir. Et ce pire là, est le plus atroce. Où l'on voit que point n'est besoin de public ni de cascade pour se couvrir la tête de cendres. 
La journée était délicieuse dans cet été finissant. La halte de midi dans les gorges du Tarn tout autant. Il était temps de poursuivre cette escapade bucolique. Prêt à repartir, tu introduisis la clé dans le contacteur attendant le grondement sourd annonçant le réveil du twin. Une, deux, trois, quatre tentatives. Rien n'y fait. Pas le moindre son. Tu descends, ausculte la bête, sent une inquiétude sourde monter en toi. Pas maintenant, non. Ce maudit tas de ferraille ne va pas te lâcher ici. Honte sur toi, homme de peu de foi, incriminer ainsi ta fidèle monture. 
Rappelle toi, tu es bien sur ta moto. Pour démarrer, plutôt que de tenter vainement de tourner la clé qui est sur "on", appuie donc sur le bouton du démarreur. Ca va tout de suite mieux... La vieillesse est un naufrage.
Au terme de ces quelques lignes édifiantes, souvenons nous bien. Pour pasticher mon pote Grober, "en moto, le problème se trouve le plus souvent entre la selle et le guidon".

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