lundi 1 décembre 2014

La réalité dépasse-t-elle l'affliction?

"D'ici 15-20 ans, ne ne verra plus de motos sur les routes. Ou presque. Il restera quelques engins de passionnés, comme ta Guzzi et à part ça, les scooters représenteront le gros du marché." C'est Christian, concessionnaire de japonaises, qui depuis a baissé le rideau pour se consacrer à d'autres choses, qui me tenait ces propos voilà environ cinq ans. Ils me sont revenus en mémoire voilà quelques jours avec une curieuse résonance.  
Donc, voici quelques semaines, j'ai eu à visiter toutes, ou peu s'en faut, les concessions motos de deux préfectures ainsi que celles de trois villes moyennes du sud de la France. Un genre d'exercice "nouveau". Je fréquente très épisodiquement la concession HD d'où provient le Skipster; alors les autres... Donc, cette tournée fut l'occasion de quelques constats.
Côté accueil, les gens sont polis, propres sur eux, souriants, avenants, commerciaux. J'ai eu le sentiment que ceux à qui j'ai touché un mot de leurs produits y croient. Comme y croit le vendeur de Darty au rayon petit électroménager. Ca ne sent pas franchement la flamme. 
J'ai d'autant plus apprécié ce concessionnaire Kawa qui entendant un son de Harley est sorti de son antre, a fait le tour de l'engin, a attaqué sur les "vraies motos", avant de m'entraîner dans son atelier ou dans un coin il se prépare un scrambler sur base de W 650. Puis de faire l'éloge de la simplicité et des sensations et du plaisir. Pour faire bonne mesure, il me paye un café et me propose de repasser dans quelques temps pour voir la chose terminée. Tout aussi sympa, chez un gros exclusif Yamaha, le gars qui me détaille une Bolt, le nouveau custom de la marque, dont trône une version spéciale réalisé par la concession. J'ai droit à une "visite" exhaustive, juste parce qu'il est content de montrer le travail accompli.
Question relation client, chez HD ce sont les cadors. Quand on rentre en concession, on s'attend presque à ce qu'ils sortent la bouteille de Jack et qu'ils envoient les gonzesses. La formule choc: "Alors la forme? Qu'est-ce qu'on peu faire pour toi?" Cette accroche assimilable au chant des sirènes est susceptible de faire sortir votre CB de ses gonds. Surtout, être vigilant.
Rappelez-vous, "Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient touchés..." Dans certains bouclards, j'ai eu comme une étrange sensation à la vue des halls d'expo. Les scoots occupent sérieusement le terrain à tel point même que dans certaines enseignes il m'a été impossible de voir une grosse cylindrée quel qu'en soit le genre. Je parle là de marques généralistes offrant à priori une gamme complète de modèles. Chez les multimarques, la proportion entre motos et scooters tient du pâté d'alouettes. 50/50. (Une alouette, un cheval) 
Christian, visionnaire, ou bien au fait de l'évolution du marché ne m'avait pas lâché ces paroles en l'air. La tendance est là pour le confirmer. En 2013 dans les 20 meilleures ventes de deux roues, se trouvaient huit scooters, ceux-ci occupant les deux marches les plus hautes du podium... Et puis, on peut se poser la question du poids économique de la moto chez les constructeurs. Car en ne regardant les choses que de notre point de vue européen, on oublie que le gros des ventes de deux roues se situe désormais dans les pays émergeant. Et ce marché-là, il n'est évidemment pas demandeur de fringants engins de loisirs ou de grosses cylindrées valorisantes, mais bien d'utilitaires de petites cylindrées et de scoots en particulier. Alors, de là à ce que pour les grands constructeurs, la moto devienne un marché de niches avec les conséquences que l'on connaît sur la diffusion et les prix, il y un pas qui pourrait bien être franchi. 
On n'en est pas (encore) là. Pourtant, les chemins pris par la moto me laissent dubitatif. Entre le prix exorbitant, à mon sens, de la plupart des gros cubes, la proximité technique de plus en plus criante avec l'automobile, en matière d'électronique notamment, des partis pris de design qui en façade donnent à certaines GT des airs de maxi scooters, (ou l'inverse, tiens, tiens) la moto s'éloigne de ce qui m'a fait l'aimer: la simplicité. Ces partis pris des constructeurs, destinés prioritairement à garder le consommateur, appelons un chat un chat, dans leur giron, auxquels vont s'ajouter une floppée de moyens de contrôle individuels (voir le dernier édito de MotoMag) sont aussi à rebours de ce qui nous a fait aimer la moto, l'instrument de liberté qu'elle peut-être.

P.S. Merci quand même à ceux qui résistent encore et ne produisent pas de scotères! Ils se reconnaîtront.

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